Quai des Orfèvres – Henri-Georges Clouzot (Réalisateur et co-scénariste), Jean Ferry (co-scénariste), et Stanislas-André Steelman (roman original)

Excellente fusion entre le thriller, l’enquête policière et la comédie

Parmi les grands noms du cinéma français des années 40, des noms comme Jean Cocteau, Robert Bresson, Marcel Carné, René Clément, et d’autres sont des pionniers qui ont beaucoup apporté au cinéma. Tout comme Henri-Georges Clouzot, nom qui a malheureusement été négligé par des noms contemporains de la Nouvelle Vague pour des raisons assez discutables. Bien que l’artiste a eu une importante réputation pour être un tyran sur ses plateaux de tournage, aspect très documenté et reconnu par ses collaborateurs et équipes, et ne créait pas des climats de travail chaleureux, son œuvre reste malgré tout incroyable. Parmi ses chefs-d’oeuvre, Quai des Orfèvres est un classique du cinéma policier français.

Adaptation du roman Légitime Défense de Stanislas André Steelman, Quai des Orfèvres présente comment Jenny Lamour, vedette de music-hall, et son mari Maurice Martineau, pianiste et musicien accompagnateur, se sont retrouvés impliqués dans une affaire de meurtre autour d’un producteur de film du nom de Brignon. Pour Jenny, dont les performances musicales sont de plus en plus reconnues dans le milieu, faire affaire avec ce producteur important est une opportunité à ne pas négliger. Mais pour son mari Maurice, qui connait le passé d’aventures romanesques de sa femme avant qu’il ne l’épouse, l’idée de voir Jenny avoir une aventure avec ce Don Juan le rend jaloux et furieux avec sa femme. Réalisant qu’elle a finalement été voir ce producteur en cachette, Maurice décide de se pointer au rendez-vous avec un revolver. Mais à sa grande surprise, il se retrouve devant le cadavre de Brignon. Quittant en quatrième vitesse les lieux par peur d’être soupçonné du meurtre, c’est dans un stress insoutenable qu’il tente de fuir les questions et interrogations de la police. Même situation pour Jenny qui, de son côté croit avoir tué Brignon alors qu’elle essayait de se défendre contre les avances de ce producteur. Ainsi, alors que le mari et la femme essaie de cacher l’un à l’autre leur vérité avec Brignon, c’est leur ami Dora Monier qui devient le confident de chacun d’eux. Et par ces deux ironies dramatiques, elle devient leur platforme psychologique de soutien. Surtout quand l’inspecteur adjoint Antoine enquête sur cet incident et se rapproche dangereusement de Jenny et Maurice, soupçonnant tous les trois d’être coupables.

Ainsi, dans cet étau policier se resserrant entre les trois protagonistes, nous avons un thriller prenant filmé par Clouzot. Un film qui passe d’une comédie de cabaret à un suspense de police insoutenable. Un beau changement de registre qui se produit aussitôt la tragédie avec Brignon. Mais pour en revenir à l’aspect comédie, il est fascinant de voir Clouzot jouer dans ce registre qui n’est pas très présent dans son œuvre qui est, somme toute, assez pessimiste. Surtout la portion du cabaret. Où on voit Jenny Lamour chanter sa chanson, qui est le thème principal du film puisque la mélodie est reprise dans le générique d’introduction. Et dans sa performance, les réactions des spectateurs du cabaret sont hilarantes. Un beau moment de détente dans une histoire qui plonge dans le grand drame et désespoir. Où on éprouve de l’empathie autant pour le couple d’amoureux et Dora que le policier. Quoique l’on ne peut s’empêcher d’espérer que les amoureux et Dora seront relâchés et leur innocences prouvées.

Et de cette empathie, celle-ci est amplifiée par l’excellente performance des acteurs. De Bernard Blier à Suzy Delair, qui deviendra après le tournage la femme du réalisateur. Et concernant cette actrice, on voit comment le réalisateur éprouve de la passion pour elle et prend plaisir à la tourner; avec des éclairages et angles de caméra assez bien pour ses scènes. Notamment des jeux de reflets avec des miroirs assez captivants. Toutefois, une autre performance qui mérite d’être applaudie est celle de Simone Renant. Tout au long du film, elle exprime une sagesse et un calme d’esprit impressionant. Surtout quand elle se retrouve devant l’inspecteur Antoine. Par ailleurs, si vous regardez le casting du film, vous y reconnaitrez certaines figures présentes dans d’autres productions de Clouzot. Ce qui rajoute au film une touche de troupe théâtrale similaires à celles des autres films du réalisateur.

Quant à la cinématographie, on retrouve d’excellents angles de caméra et jeux de lumières pour ce film. Ainsi qu’une très belle utilisation des techniques de l’expressionisme allemand, courant que Clouzot a connu puisqu’il a appris les rudiments du cinéma à l’UFA en Allemagne. D’ailleurs si vous avez la chance d’obtenir les copies restaurées en 4K ou Blu-Ray, vous y verrez une image magnifique. Une restauration qui nous permet d’apprécier toutes les nuances de gris, de noir et de blanc dans ce film.

Ainsi, si vous voulez voir un excellent classique policier portant sur le milieu du cabaret et qui présente la beauté du talent d’Henri-Georges Clouzot, alors regardez Quai des Orfèvres.

Vous ne serez pas déçu.

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